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Le sonneur à ventre jaune

LE SONNEUR A VENTRE JAUNE
Note d’intention : Vincent Clergironnet
Ce projet est né  d’une rencontre inopinée avec Rémi Helder, docteur à l’université de Reims et directeur du CERFE (Centre de recherche et de formation en éco éthologie, http://www.cerfe.com). Alors que je l’interroge sur ses activités, il me confie dans un sourire : «  Je dois convaincre les forestiers de laisser leurs ornières de tracteur intactes, pour sauver un petit crapaud qui a pris l’habitude de s’y reproduire ».

Aussitôt la scène se forme dans ma tête : j’imagine la fragilité de la position du scientifique et l’ahurissement d’un chef d’entreprise devant sa demande. J’imagine le point de vue du bûcheron tenu aux exigences de rendement et d’efficacité. Et je trouve qu’il y a là une matière théâtrale merveilleuse. Non seulement parce que d’un certain point de vue la situation a quelque chose de cocasse mais surtout parce qu’elle est immédiatement emblématique.

Tout l’enjeu de la préservation de la nature est résumé dans ce face à face entre un minuscule crapaud et un énorme tracteur, entre les enjeux économiques d’un forestier et l’ampleur de la révolution psychologique et logistique qu’il lui faut entreprendre si on le convainc de l’importance de sauver le précieux batracien.

Je trouve aussi passionnant que l’être humain avec ses tracteurs ait malencontreusement créé un lieu de reproduction pour le Sonneur à ventre jaune. Une fois de plus : la nature nous rattrape ! Nos activités ont des conséquences qui génèrent toute sorte d’adaptations inattendues et celles-ci n’ont de cesse de nous rappeler que la séparation d’avec la Nature est d’abord une construction mentale (fondée sur le fait que nous préférons lui mener une guerre féroce plutôt que de nous insérer respectueusement dans ses équilibres).

Enfin, je pense à tous les humains du territoire se penchant au dessus du « sonneur ». Politiques, chercheurs, forestiers, paysans, chasseurs, promeneurs… je vois leur points de vue contradictoires, leur bonne volonté, leurs interêts et leurs croyances et tout ce petit monde se défend devant l’évidence : un minuscule crapaud nous invite à changer nos habitudes car nous partageons avec lui un mystère qu’il nous faut apprendre à respecter, la vie.

L’idée est tout à la fois de créer une galerie de personnages permettant de refléter tous ces points de vue sans les juger, en les considérant tous comme légitimes et d’avoir recours au conte. J’entends ici non pas au sens formel d’une narration mais de tout ce que le conte permet : donner la parole à tous les personnages y compris au Sonneur lui-même et surtout imaginer un dénouement. Le conte peut échapper au réalisme, non pas pour le fuir, mais pour aller puiser dans l’imaginaire la foi en des solutions. Le conte est lié à la sagesse, cette part de nous-même qui demande à être mobilisée pour trouver la compréhension, le courage et la force de surplomber nos intérêts immédiats.
L’idée est de créer à partir de tout ça un spectacle de 45 minutes pour un public familial avec un comédien et une musicienne.

Création : 2024

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